Post Scriptum 9, octobre-novembre 2005
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Edito de Jean-Baptiste Hermann :
100 jours. Cette période écoulée, on pourrait presque croire que quelque chose a changé. Ceux qui l’ont pu on prit leurs vacances, le monde politico-syndical a connu sa trêve estivale, et la France ensoleillée a vu plein de touristes européens l’envahir joyeusement. On en oublierait presque le 29 mai… C’est dingue comme 100 jours, placés au beau milieu de l’été, ça peut vous changer un pays ; enfin, le moral d’un pays.
On attendait cependant une rentrée sociale “ assez ” chaude, et le “ assez ” en dit long. D’habitude la prédiction de semaines agitées, d’une colère qui gronde, grimpe, à en éclater jusqu’à bloquer la France entière, suffit à prévoir, en effet, une rentrée chaude… Or, 100 jours après leurs fumeuses déclarations, répondant à une crise dite “ sans précédent ”, Villepin, Sarko et leurs acolytes, qui ont pourtant mis du leur pour ne rien faire ou empirer la situation, n’ont pas connu de mobilisations suffisamment déterminées pour leur imposer à faire machine arrière dans leur politique de casse sociale, comme c’est le cas pour la réforme de l’ISF qui aura sans doute bien lieu…
Une satisfaction tout de même, les salariés du privé étaient pour la 1ère fois plus nombreux que ceux du public, et les cortèges du 4 octobre plus fournis que ceux de mars dernier. Cependant l’exaspération sociale d’aujourd’hui marque bien son aliénation à la société de consommation. Les slogans et revendications de la manifestation du 4 octobre appelaient à un meilleur pouvoir d’achat ; et il est choquant de voir que les premiers acteurs de ces revendications, les premiers à avoir appelé à l’unité et à la mobilisation, les plus rapides sur le terrain comme dans les esprits ont été les chaînes de supermarchés que ce soient les mousquetaires ou bien l’ultralibéral Edouard Leclerc.
Dans la rue quelques uns brandissaient encore des “ respectez notre NON ”, ce qui après le 29 mai et ses 100 jours a de quoi nous interpeller. De quel “ NON ” s’agit-il ? Celui qui fait écho aux peurs, aux mécontentements de sa petite situation individuelle ? Celui-là, il est respecté. Et Sarko l’incarne très bien, jouant sur les appréhensions et les passions de chacun, centrant l’individu sur lui-même, il encourage une société divisée ou l’être s’isole dans ses peurs jusqu’à en rejeter l’autre et toute perspective d’avenir projetée en commun.
L’équipe de Post-Scriptum n’a pas oublié le 29 mai et triste est de constater qu’il n’y a pas de plan B ni de plombier mais une Europe plombée. Et comme nous nous en doutions avant le rejet du texte, ce ne sera pas les contempteurs du Traité qui vont se bouger pour redéfinir un avenir à l’Europe, mais sera bien à ceux qui ont défendu sincèrement un OUI de gauche de se remonter une nouvelle fois les manches…
Mais pour sa troisième année d’existence Post-Scriptum ne compte pas baisser les bras et est toujours plus déterminé à secouer les certitudes et prendre part aux différents combats. Les ambiguïtés d’une société coincée entre exaspération sociale et consommation uniforme, les apparences trompeuses d’un libéralisme débridé, tout appelle à la mobilisation culturelle ou associative, syndicale ou politique. Seul ce genre d’engagement peut vaincre l’atomisation sociale, la résignation égoïste, et le fatalisme cynique. Ensemble il est possible de construire une alternative sincère, en établissant des projets de société, et non en privilégiant un trop facile communautarisme voire un corporatisme.
Pour cette nouvelle année notre journal entend partager ses colonnes avec davantage d’acteurs de la vie universitaire. Le courrier des lecteurs sera l’occasion de nous ouvrir sur le monde avec la présentation de partis politiques par des étudiants étrangers afin de quitter une certaine vision franco-française. Enfin, il est peut-être tant de nous dire que le pétrole nous pompe et qu’il s’agit désormais de repenser la consommation ; nous accorderons ainsi encore plus de place au développement durable dans les différents thèmes abordés dans Post-Scriptum, car un monde juste passe aussi par une solidarité donnant toutes ses chances à l’avenir.
Toute l’équipe vous souhaite une bonne année universitaire,
Bonne lecture,
Jean-Baptiste HERMANN
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